Seán McLaughlin
Il apparaît que de nombreux amis de Newman à Oxford ont eu, chacun à leur façon, un rôle déterminant à jouer dans son évolution religieuse. La Common Room, le foyer des professeurs d’Oriel, s’est révélée être l’endroit idéal qui a permis la rencontre de cœur et d’esprit d’ecclésiastiques anglicans parmi les plus influents du 19ème siècle. Pourtant, peut-être est-il possible d’affirmer qu’il n’y avait pas à Oriel deux hommes qui partageaient autant de choses en commun, sur un plan personnel, et manifestaient autant d’affinités que Newman et Joseph Blanco White.
Joseph Blanco White était une curieuse personnalité dont la carrière plutôt improvisée s’était déroulée dans les cercles académiques d’Oxford au moment où Newman atteignait le sommet de sa carrière comme anglican dans les années 1820. Né en 1775 à Séville d’un père irlandais et d’une mère espagnole, Blanco White avait été ordonné prêtre catholique à l’âge de 23 ans. En 1802 il traversa une profonde crise spirituelle à l’issue de laquelle il quitta non seulement le ministère presbytéral mais également l’Eglise Catholique Romaine. Souffrant de dépression nerveuse, il s’installa à Madrid et plus tard à Londres en 1810 dans ce que il faut bien décrire comme une tentative passionnée mais alambiquée de trouver la Vérité.
Blanco White affirme dans son autobiographie qu’il « partageait de grandes et belles visions » avec Newman. Tous deux appréciaient beaucoup Beethoven, que Newman appelait l’ « allemand » et ils jouaient fréquemment du violon en duo. D’une manière très pertinente, Thomas Mozley, un élève de Newman, a observé la différence de caractère entre les deux hommes quand ils jouaient ensemble : « Il était très intéressant de noter le contraste entre l’attitude enthousiaste et même exaltée de Blanco avec l’immobilité du Sphinx qu’adoptait Newman. » En outre, c’est aussi Blanco White qui a expliqué à Hurrell Froude et à Newman comment se servir du bréviaire romain en 1827.
Pendant la longue période des vacances de 1831 Newman et Blanco se trouvèrent être les seuls résidents à Oriel. Ce fut pour eux deux l’occasion d’écrire des ouvrages pour une bibliothèque théologique pour laquelle ils avaient tous deux été commissionnés. C’est la publication des livres qui va provoquer le désaccord ultime entre ces deux amis. Alors que l’ouvrage de Newman était consacré presque exclusivement aux dangers de l’arianisme et à une vive polémique contre l’hétérodoxie de son époque, dans le sien Blanco White se livrait essentiellement à une apologie de son rejet d’une foi trinitaire. Lorsqu’il lut le livre de Blanco, Newman fut réellement convaincu qu’il avait perdu la tête.
Lorsque le Mouvement d’Oxford s’amplifia, Blanco White se rendit à Dublin, puis plus tard à Liverpool. En 1839, on disait de lui à Oxford qu’il était « tombé dans une totale incroyance ». Blanco White et Newman étaient tous deux des hommes particulièrement doués, possédant une vive intelligence et un sens religieux aigu qui les conduisit l’un et l’autre à rechercher Dieu infatigablement. La recherche éprouvante qu’ils entreprirent l’un et l’autre sur la voie de l’authenticité et de la vérité amena les deux hommes à changer radicalement l’orientation de leur vie. Tandis que Newman passait du courant évangélique à la Haute Eglise Anglicane, puis finalement au catholicisme romain, dans lequel il a été récemment proclamé Beatus (bienheureux), l’itinéraire de Blanco White, un homme tout aussi doué, fut très différent. Son cheminement de foi l’amena du Catholicisme Romain à l’Anglicanisme ; et il finit par nier totalement la Trinité, adopta une forme de croyance unitarienne et mourut dans l’obscurité à Liverpool.
Trad. Mme Sylvie Roura
Avec la permission de « The Portal on-line Magazine Nov. 2011 www.portalmag.co.uk«