Seán McLaughlin
En parcourant du regard la Common Room du Collège d’Oriel, nous apercevons d’autres membres du Clergé qui ont eu une influence déterminante dans le Mouvement d’Oxford, bien davantage que Joseph Blanco White dont nous avons parlé précédemment. John Keble et Edward Bouverie Pusey jouissaient d’une grande renommée et d’un statut élevé. Avec Newman, ils formèrent le noyau même du Mouvement d’Oxford, lui conférant la vigueur intellectuelle et l’influence qui lui permirent d’avoir un effet d’une aussi grande portée dans la vie, la liturgie et la discipline ecclésiale anglicanes.
Dans son Apologia, Newman raconte combien il se sentait intimidé en présence de personnages aussi imposants du petit monde de l’Université d’Oxford. Pourtant ces trois hommes, qui resteront en contact amical pendant toute leur vie, manifestaient un intérêt partagé qui allait bien au-delà de la simple familiarité ou des sympathies personnelles. Les échanges providentiels auxquels Pusey, Newman et Keble se livrèrent sur plusieurs années au Collège d’Oriel contribuèrent à les rapprocher pour une cause commune, le renouvellement, de l’intérieur, de l’Anglicanisme.
Keble avait près de dix ans de plus que Newman. Né dans le Gloucestershire d’un père curé de campagne, il avait hérité de lui des tendances Haute-Eglise et était fellow -professeur agrégé- d’Oriel depuis 1811.
Keble est sans doute essentiellement connu pour son recueil de poésie religieuse, The Christian Year, l’année chrétienne, publié en 1827 et réédité 158 fois, ce qui fit de ce recueil le livre de poésie le plus vendu au XIXème siècle. De fait, la poésie devint un outil important dans la propagation des idéaux doctrinaux des Tractariens. The Christian Year avait été conçu pour accompagner le Book of Common Prayer, le rituel de l’Eglise Anglicane, en lui apportant un commentaire de tendance Haute-Eglise et une aide pour les prières et dévotions. L’historien Owen Chadwick affirme que lorsque des gens rencontraient Keble, ils le trouvaient modeste, courtois, sans prétention, comme son recueil de poésie. Mais tout modeste qu’il fût, Keble était certainement un des hommes les plus influents de l’université et son parcours universitaire encore plus prestigieux que celui de Newman.
Arrivé à Oxford à l’âge de quatorze ans, il termina avec succès un double cursus à 18 ans. Objet de vives controverses, le sermon des Assises qu’il prêcha le 14 juillet 1833, sur l’ « Apostasie Nationale », fut toujours considéré par Newman comme le début du Mouvement d’Oxford.
Quant à Edward Bouverie Pusey, il ressemblait beaucoup à Newman. Né en 1800, cet intellectuel timide, d’origine aristocratique, fut nommé Fellow à Oriel, un an après Newman. Le tout premier souvenir que Newman conserva de l’apparence de Pusey nous livre l’image d’une personnalité assez excentrique : « Sa chevelure claire, bouclée, était mouillée en raison de l’eau froide qu’il appliquait dessus pour soulager ses maux de tête ; il marchait rapidement avec une démarche juvénile, la tête inclinée, le regard jaillissant sous les sourcils, les épaules arrondies. » Toutefois Newman fut impressionné par son sérieux sur les questions de foi.
Sur le plan universitaire Pusey était essentiellement un linguiste. En 1828, il fut nommé titulaire de la chaire d’hébreux. Ayant eu connaissance des courants de pensée libéraux adoptés par les exégètes allemands radicaux, il se mit à apprendre l’allemand et passa plusieurs étés dans des universités allemandes. Il était particulièrement conscient des dangers très réels que le rationalisme posait à la recherche théologique, et à ce titre il eut une influence décisive dans le Mouvement d’Oxford.
Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que les adhérents au Mouvement d’Oxford étaient de fait communément désignés à l’université sous l’appellation de « Puseyites », ce qui confirme la propre conviction de Newman que la contribution de personnalités telles que Pusey et Keble fut irremplaçable dans une perspective théologique et qu’en outre elle justifia l’importance, l’autorité et l’influence de la rénovation.
Trad. Mme Sylvie Roura
Avec la permission de « The Portal on-line Magazine www.portalmag.co.uk«