Seán McLaughlin
Dans la Rome païenne on pensait que l’immortalité et la gloire étaient assurées par la pérennité du souvenir d’un défunt. Cette croyance a donné lieu à de remarquables réussites architecturales. De même, il ne saurait y avoir de châtiment plus terrible infligé à un romain que de prononcer une damnatio memoria – une condamnation du souvenir par laquelle toute trace de la personne est oblitérée. Mais dans la Rome chrétienne, les plus grands trésors se trouvaient sous la surface du sol. Loin de l’effervescence des foules qu’attirent les beaux monuments, il y avait la Rome silencieuse des catacombes chrétiennes. Là, dans le sol, en profondeur, rien ne rappelle, dans les tombes des premiers chrétiens, le faste avec lequel leurs contemporains païens embellissaient leur lieu de repos éternel. Les premiers chrétiens savaient que leur avenir ne résidait pas dans des structures de brique et de mortier mais dans l’espérance que Dieu avait préparée pour eux de toute éternité.
Quand Newman visita Rome pour la première fois, il éprouva des sentiments similaires. Rien ne pouvait se comparer à la « beauté et la dignité » de Rome, si ce n’est Oxford. Mais ce qui donnait à Rome son charme solennel n’était ni son architecture, ni « la cour de Rome assemblée » avec tout le faste de la cérémonie, ni ses huissiers avec leurs fanfreluches et leurs perruques de mauvais goût ; c’était plutôt que Rome était, comme disait Newman, « le lieu de martyre et d’ensevelissement de quelques-uns des instruments préférés de Dieu ».
A quinze ans, Newman avait lu l’Histoire de l’Eglise de Joseph Milner. Dans l’atmosphère de religiosité amorphe qu’il remarquait en Angleterre, il éprouvait de la nostalgie pour la vitalité et la ferveur de l’Eglise primitive. Dans son journal, il reconnaissait éprouver une vive passion pour la vie d’Augustin, d’Ambroise et des premiers chrétiens. Les premiers siècles du christianisme sollicitaient l’ardeur imaginative du jeune Newman, et suscitaient en lui une grande attirance pour ce « beau idéal » de l’Eglise des Pères, les catacombes et les martyrs.
Lorsque Newman visita Rome pour la première fois en 1833, beaucoup de catacombes étaient tombées dans l’oubli ou se trouvaient négligées et inaccessibles. Le premier avril, il put visiter les Catacombes de St Sébastien. Contrairement à d’autres, les Catacombes de St Sébastien n’avaient jamais cessé d’être un lieu de pèlerinage. Les peintures dans l’intérieur sobre de la basilique de St Sébastien portent le témoignage de la multitude d’hommes et de femmes vénérables qui, au long des siècles, s’étaient rendus dans cet endroit. La providence voulut que, dans cette même catacombe, St Philippe Néri, au XVIème siècle, avait reçu l’inspiration pour fonder l’Oratoire. Ce que Newman ignorait alors est que, quinze ans après cette visite, il fondrait le même Oratoire en Angleterre.
Quelques jours plus tard, dans une lettre adressée à sa sœur Harriett, il racontait comment il avait « fait un pèlerinage » en visitant « le refuge des chrétiens persécutés ». Même s’il parle peu de l’impact que des lieux tels que les catacombes eurent sur lui, nous savons que pendant son voyage en Méditerranée en 1832-1833, Newman avait constamment à l’esprit l’Eglise d’Angleterre. Il pensait qu’elle devait retrouver une foi plus pure comme celle des premiers chrétiens. Pendant la traversée, il écrivit avec un sentiment d’intense nostalgie combien il souhaiterait appartenir à l’Eglise qui détenait de tels trésors : « O si ta foi pouvait être pure ! Car tu apaises l’âme, toi l’Eglise de Rome, par ta veille inlassable et l’ordre varié de tes rites, dans la demeure de ton Sauveur ».
Avec la permission de « The Portal on-line Magazine www.portalmag.co.uk«