Changement et continuité d’un converti

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Seán McLaughlin

Dans son Développement de la doctrine chrétienne, Newman a rappelé que « Vivre, c’est changer, et être parfait, c’est avoir changé de nombreuses fois ». Ces paroles mémorables sont bien connues et souvent citées, et il semble effectivement que sa vie ait été caractérisée par le changement. Par contre, la question de savoir ce qu’il a retenu de ses années anglicanes est moins évidente, et par conséquent mérite quelque attention. Même s’il serait vain de comparer la situation de l’Eglise d’aujourd’hui avec celle de l’époque de Newman, il est toutefois important de se demander quel regard il posait sur l’Eglise d’Angleterre en tant que catholique. Au moment de la conversion de Newman, l’Eglise catholique en Angleterre traversait elle-même une période de grands changements. La famine en Irlande et le désastre qui s’en suivit dans les années 1845-1852 avait radicalement modifié la composante démographique de l’Eglise catholique en Angleterre, et il fallut attendre 1850 pour que Pie IX y rétablisse la hiérarchie. Les appels à la prudence à l’adresse de Faber et de ses confrères oratoriens, les enjoignant de ne pas arborer leur habit « comme des paons » dans les rues de Londres, montrent combien les préjugés anticatholiques restaient très vivaces dans la société victorienne.

Quand Newman devint catholique en 1845, sa formation tant théologique que religieuse relevait de la tradition anglicane. Ce serait une erreur de supposer qu’il considérait cette tradition avec indifférence. Quelque vingt ans après sa conversion, il reconnut ce fait : « l’Eglise d’Angleterre a été l’instrument de la Providence en m’accordant de grands bienfaits (…) ; comment pourrais-je avoir l’envie ou plutôt le manque de charité de souhaiter qu’elle soit renversée, sachant ce qu’elle accomplit pour tant d’autres et ce qu’elle a accompli pour moi ? Je ne ressens pas un tel désir.

Au moment de sa réception dans l’Eglise catholique, Newman accepta en toute liberté de désavouer solennellement tout sentiment anticatholique qu’il avait pu nourrir comme anglican ; cependant, il écrivit plus tard dans son Apologia : « Quand je me suis converti, je n’avais pas conscience d’un changement probant dans ma façon de considérer les questions de doctrine ». Newman estimait que le changement entraîné par sa conversion ne concernait pas la doctrine mais plutôt sa position par rapport à l’Eglise anglicane. Dans son Apologia, il poursuit : «Bien que soucieux au plus haut point de ne pas offenser les pratiquants anglicans, je dois bien reconnaître que mon opinion sur l’Eglise d’Angleterre a bien changé. Je ne saurais dire quand cela s’est produit, mais très rapidement j’éprouvai le plus vif étonnement à l’idée d’avoir pu penser qu’elle faisait partie de l’Eglise catholique. Pour la première fois, je la regardai du dehors et je dois l’avouer, je la vis telle qu’elle était ». En dépit des épreuves qu’il dut endurer, Newman ne se considérait pas comme un objet de curiosité  dans l’Eglise catholique; de fait, il était convaincu d’avoir rejoint le lieu auquel il avait toujours appartenu en vérité. Il s’était toujours élevé contre cette idée qui voulait que la religion s’appuyât sur l’aspect sentimental plutôt que sur la Vérité.

La vie de Newman après sa conversion connut de réels changements. Comme prêtre catholique, il ne rédigeait plus les sermons pour les lire ensuite, comme il le faisait lorsqu’il était anglican. Il préféra adopter cette pratique courante chez les prêtres catholiques de cette époque qui consistait à rédiger quelques notes puis à prêcher librement. Nous savons aussi que malgré son attachement pour « la simplicité majestueuse » du Prayer Book de 1549, il utilisait le bréviaire romain depuis dix-huit ans au moment de sa conversion.  Après la mort de son grand ami Hurrell Froude en 1849, Newman fut autorisé à choisir un volume dans la bibliothèque personnelle du défunt. Il fut tenté de prendre l’Analogie de Butler, un ouvrage classique de théologie anglicane, mais finalement il se décida pour le bréviaire romain. C’est Joseph Blanco White qui avait fait connaître le bréviaire romain à Newman et à Froude. Pendant la période Littlemore, le bréviaire fut récité quotidiennement dans le petit oratoire qui s’y trouvait.

Avec la permission de « The Portal on-line Magazine www.portalmag.co.uk«