Ostende nobis Patrem et sufficit nobis […]
Philippe, qui videt Me, videt et Patrem. (Jn 14,8 ; 9)
Montre-nous le Père, et cela nous suffira…Philippe, celui qui me voit, voit aussi le Père » (Jn 14,8;9)
1. Le Fils est dans le Père et le Père dans le Fils, ô adorable mystère subsistant de toute éternité ! Je t’adore, ô mon incompréhensible Créateur, devant qui je suis un atome, un être d’hier ou d’il y a une heure ! Remonte quelques années en arrière, et je n’existais simplement pas ; je n’étais pas, et les choses sans moi se déroulaient : mais toi, tu es de toute éternité ; et sans toi rien ne pourrait subsister. Et de toute éternité aussi tu as possédé ta Nature ; tu as été – auguste et glorieux mystère – le Fils dans le Père et le Père dans le Fils. Que nous existions ou non, tu es toujours un et le même, le Fils suffisant au Père, le Père au Fils – et toutes les autres choses ne sont par elles-mêmes que vanité. Les choses auraient pu ne pas être ; il y eut un temps où elles n’étaient pas ; mais il suffisait au Père d’avoir engendré son co-égal et consubstantiel Fils, et au Fils de reposer dans le Sein du Père éternel. O adorable mystère ! Mystère que par la foi, et non par la raison humaine, j’embrasse. Je crois parce que tu as parlé, ô Seigneur. J’accepte joyeusement ton témoignage. Qui d’autre que toi peut savoir ce que tu es ? Sûrement pas moi, qui ne suis que cendre et poussière, si ce n’est dans la mesure où tu m’en instruis. J’accepte donc ton propre témoignage, ô mon Créateur ! Et je crois fermement, je répète après toi, ce que je ne comprends pas, car je veux vivre une vie de foi ; je préfère avoir foi en toi qu’en moi-même.
2. O mon grand Dieu, de toute éternité tu te suffisais ! Le Père suffisait au Fils et le Fils au Père ; ne m’es-tu donc pas suffisant, toi si grand, moi si petit, moi pauvre créature ! J’ai mon content du Père, et mon content du Fils, double content ! Avec saint Philippe je peux dire : « Montre-nous le Père, et cela nous suffira. » Cela nous suffit, car quand nous te possédons, nous sommes pleins jusqu’au bord. O puissant Dieu, fortifie-moi par ta force, console-moi par ton éternelle paix, apaise-moi par la beauté de ton visage ; éclaire-moi de ta Lumière incréée ; purifie-moi par le parfum de ton ineffable sainteté. Baigne-moi en toi-même, et fais-moi boire – mais un mortel peut-il le demander ? – aux rivières de grâce (celle de ton consubstantiel, co-éternel Amour) qui coulent du Père et du Fils.
3. O mon Dieu, ne me laisse jamais oublier cette vérité : non seulement tu es ma vie, mais ma seule Vie ! Tu es le Chemin, la Vérité, la Vie. Tu es ma Vie et la Vie de tout ce qui vit. Tous les hommes, tous ceux que je connais, tous ceux que je rencontre, tous ceux que je vois, ceux dont j’entends parler, ne vivent que s’ils vivent de toi. Ils vivent en toi ou alors ils ne vivent pas du tout. Nul ne peut être sauvé en dehors de toi. Ne me laisse jamais oublier cette vérité dans mes occupations journalières. O donne-moi un véritable amour des âmes, de ces âmes pour lesquelles tu es mort. Apprends-moi à prier pour leur conversion, et à y contribuer dans la mesure de mes moyens. Si capables, si aimables, si hautes et distinguées soient-elles, elles ne peuvent être sauvées que si elles te possèdent. O mon Seigneur, toi seul peut suffire ! Ton sang est suffisant pour le monde entier. Tu es suffisant pour moi comme tu l’es pour la race d’Adam tout entière. O mon Seigneur Jésus, que ta Croix leur soit plus que suffisante, qu’elle soit efficace, qu’elle soit pour moi plus efficace que tout, de peur qu’ayant tout en abondance, je ne porte aucun fruit jusqu’à sa perfection.
(John Henry Newman, Méditations sur la Doctrine Chrétienne, pp 91-93)