Seán McLaughlin
S’en remettre à Dieu », « s’abandonner », « mettre sa confiance » sont des termes tout à fait appropriés pour décrire ce que nous entendons par « expérience de foi ». Par contre, « rationnel » vient moins spontanément à l’esprit. Pourtant l’aspect rationnel de notre foi caractérise à la fois la forme du Credo et l’expérience vécue des fidèles. Nous avons tendance, souvent sans nous en rendre compte, à créer une fausse dichotomie entre ce que nous considérons comme des réalités antagonistes dans les différentes dimensions de notre existence humaine. C’est pourtant l’unité d’éléments apparemment opposés, telles que foi et raison, corps et âme, humain et divin, qui définit la compréhension catholique de Dieu et de la réalité. C’est précisément l’association et l’unité d’éléments, opposés au premier abord, dans le complexio oppositorum, qui distingue le catholicisme de l’approche très rigide, sola, de la théologie de la Réforme.
A l’époque de Newman, les factions libérales considéraient la foi religieuse soit comme une consolation pour les simples d’esprit et les psychologiquement faibles, ou comme une simple opinion personnelle, changeable et adaptable à souhait. Quant aux rationalistes, ils se risquaient à accepter les articles de foi, seulement après qu’ils eurent été prouvés logiquement et fondés empiriquement. Dans une large mesure, la génération de Newman récoltait les premiers fruits amers que les bouleversements philosophiques et théologiques des siècles précédents avaient semés, à savoir un divorce quasi-total entre foi et raison. Une autre source d’inquiétude, particulièrement à l’époque de Newman, était l’influence grandissante de la méthode historique en exégèse, née dans les facultés de théologie allemandes : elle se traduisait par une remise en question de l’Ecriture par les professeurs de théologie.
Dans son célèbre ouvrage, La Grammaire de l’Assentiment, Newman s’efforça de défier ces points de vue en montrant que l’acte de foi religieuse, loin d’être étranger à notre nature rationnelle, lui était en fait « parfaitement inhérent. » En 1829, Newman prononça le sermon La foi religieuse rationnelle, dans lequel il s’efforçait de montrer que l’assentiment de foi, au lieu d’être uniquement à base d’émotions ou motivé par la logique, trouvait son fondement dans des décisions raisonnables.
Dans des sermons ultérieurs, Newman a considéré la Vierge Marie comme l’exemple le plus éloquent de quelqu’un qui répond à la sollicitation de la foi dans sa vie, en raison même de son caractère rationnel, plutôt que par froid calcul intellectuel ou enthousiasme émotionnel. Newman a montré comment les évangélistes décrivent Marie « méditant » sur les mystères de Dieu qui avaient bouleversé sa vie, et « gardant précieusement toutes ces choses dans son cœur ». C’est en cela que Newman la considère comme celle qui a su unir harmonieusement la capacité de raisonnement et le don de la foi. Tout au long de sa vie, la Vierge Marie exalte la relation authentique entre le travail de la raison humaine, l’intervention de la Révélation Divine, et la réponse continue de la raison à cette révélation : « Marie est notre modèle de foi, dans la réception comme dans l’étude de la Vérité Divine. Elle ne se contente pas de l’accepter, elle se penche longuement dessus ; elle ne se contente pas de la posséder, elle l’utilise ; elle ne se contente pas d’y consentir, elle la développe ; elle ne se contente pas de soumettre la Raison, elle exerce son raisonnement ; elle ne raisonne pas d’abord pour ensuite croire, avec Zacharie, elle croit d’abord sans raisonner, puis par amour et vénération, elle raisonne après avoir cru. » Par conséquent, nous pouvons dire que la foi de Marie incarne en même temps la foi des simples et celle des Docteurs de l’Eglise- car son objet est le même et unique.
Trad. Mme Sylvie Roura
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