(2) La Sainte Communion
1. Mon Dieu, qui peut être habité par toi, hormis les purs et les saints ? Les pécheurs peuvent s’approcher de toi, mais toi, vers qui viendrais-tu, hormis les sanctifiés ? Mon Dieu, je t’adore comme étant le Très-Saint ; quand tu descendis sur terre, tu te préparas un Lieu saint dans les très chastes entrailles de la Bienheureuse Vierge Marie. Tu te bâtis une demeure spéciale. Marie ne te reçut pas sans y avoir d’abord été préparée ; car depuis sa naissance elle était remplie de ta grâce, si bien qu’elle ne connut jamais le péché. Ainsi vécut-elle, croissant en grâce et en mérite, année après année, jusqu’au jour où tu envoyas l’archange pour lui annoncer ta présence en elle. Car la demeure du Très-Haut doit être sainte. Je t’adore et te glorifie, ô Seigneur mon Dieu, pour ta sainteté.
2. O mon Dieu, la sainteté devient ta demeure, et cependant tu condescends à venir habiter dans mon cœur. Mon Seigneur, mon Sauveur, tu viens à moi caché sous l’apparence des choses terrestres, quoique dans la chair et le sang même que tu pris de Marie. Toi, qui habitas d’abord le sein de Marie, tu viens à moi. Mon Dieu, tu me vois, alors que moi je ne puis me voir. Fussé-je le meilleur juge de moi-même, le plus impartial, le plus avisé, je ne saurais, de par ma nature même, me regarder et m’appréhender dans ma totalité. Mais toi, quand tu viens vers moi, tu me regardes et me vois. Quand je dis : Domine, non sum dignus, « Seigneur, je ne suis pas digne » – Toi seul, à qui je m’adresse, comprends parfaitement les mots que je prononce. Tu vois comme est indigne le pécheur qui va te recevoir, toi le Dieu unique et saint, que les séraphins adorent en tremblant. Tu vois, non seulement les taches et les cicatrices de nos péchés passés, mais également les mutilations, les profondes crevasses, les désordres chroniques qu’ils ont laissés dans mon âme. Tu vois mes innombrables péchés grouillants, vivants, qui me recouvrent comme un vêtement. Tu vois toutes mes mauvaises habitudes, toutes mes pensées, perverses et illicites, tous mes principes bornés, ainsi que la multitude de mes infirmités et misères. Et cependant tu viens. Bien que n’étant pas assez pénétré de ce que je dis là, tu viens quand même. O mon Dieu, livré à moi-même, je périrais sous la terrible splendeur et le feu consumant de ta Majesté. Aide-moi à te supporter, pour que je ne dise pas comme Pierre : «Retire-toi de moi, ô Seigneur, car je suis un homme pécheur. »
3. Mon Dieu, aide-moi à te recevoir, car toi seul le peux. Purifie mon cœur et mon esprit de tout ce qui est passé. Efface de mon âme tout souvenir de péché. Guéris-moi des faiblesses, des langueurs, des infirmités, des irritabilités de l’âme. Donne-moi une juste perception des réalités invisibles, et fais en sorte que concrètement et dans les détails de la vie, je te préfère à toutes choses sur terre, et le monde futur au monde présent. Donne-moi du courage, le discernement du bien et du mal, de l’humilité en toutes choses, ainsi qu’un amour ardent et tendre de toi.
(John Henry Newman, Méditations sur la Doctrine Chrétienne, Ad Solem 2000, pp. 129-130)