1. Je t’adore, ô mon Dieu ! durant les quarante jours où tu visitas tes apôtres après ta résurrection. Moments si calmes et si heureux qu’il était doux d’être là avec toi, et qui, une fois passés, leur semblaient avoir à peine commencé. Avec quelle rapidité ce premier Tempus paschale dut s’écouler ! Peut-être ne savaient-ils même pas quand il devait se terminer. Du moins ne songeaient-ils pas à en prévoir la fin, tout à la joie et dans le vif du moment présent. O ces jours de consolation ! Quel contraste avec ceux qui les avaient immédiatement précédés ! La terre alors leur fut un avant-goût du ciel, cachés qu’ils semblaient être et comme dérobés au regard des hommes. Ils vivèrent ce temps comme un rêve, dans l’émerveillement, l’adoration, la joie, baignés de ta lumière, ô mon Dieu ressuscité !
2. Mais toi, ô Seigneur, tu savais mieux qu’eux ce qui leur convenait ! Ils espéraient, désiraient, imaginaient peut-être que ce repos, cette récréation, ce refrigerium n’étaient que les signes avant-coureurs d’un bonheur plus vaste ; mais tu savais, toi, dans ton éternelle sagesse, que pour atteindre ce bonheur qui passe en douceur tout ce qu’ils pouvaient alors goûter, il était bon, il était nécessaire qu’ils endurent des vicissitudes et des souffrances. Tu savais bien qu’il fallait que tu partes pour que le Paraclet descende sur eux ; aussi les quittas-tu afin qu’ils profitent plus par ton absence douloureuse que par tes visitations dans la chair. Je t’adore, ô Père, de nous avoir envoyé le Fils et le Saint-Esprit! Je t’adore, ô Fils, et toi, ô Saint-Esprit, pour avoir gracieusement condescendu à nous être envoyés !
3. O mon Dieu, ne me laisse jamais oublier que ces temps de consolation ne sont ici-bas que des récréations, rien de plus : ailleurs est notre vraie demeure. Ces douceurs ne seront permanentes qu’au ciel. Ici-bas elles sont destinées à nous préparer aux épreuves. Je te prie néanmoins, ô mon Dieu, de me les accorder de temps en temps. Répands sur moi la douceur de ta présence de peur qu’en chemin je ne perde cœur et ne défaille ; de peur qu’infirme comme je suis, je ne trouve fastidieux mes devoirs religieux, et me fatigue de la prière et de la méditation ; de peur que je n’accomplisse ma tâche quotidienne avec un esprit vide, ou ne sois au contraire tenté d’y prendre plaisir pour elle-même et non pour toi. Accorde-moi de temps en temps tes divines consolations ; mais ne me laisse pas m’y installer. Laisse-moi en user pour la fin pour laquelle tu me les destines. Et si elles viennent à manquer, fais en sorte que je ne sois pas trop abattu. Que toujours elles m’inspirent la pensée et le désir du ciel.
(John Henry Newman, L’Enseignement de Quarante Jours part XII, Méditations sur la Doctrine Chrétienne, Ad Solem 2000, pp. 107-108)