O jour béni de la Résurrection qui, dans les temps anciens, était appelé la reine de toutes les fêtes, et faisait naître parmi les chrétiens un zèle plein de désir – on pourrait même dire batailleur -, de la célébrer avec l’honneur qui lui est dû. Jour béni, qui fut jadis vécu seulement dans la peine, lorsque le Seigneur ressuscita vraiment et que les disciples ne le crurent pas ; mais depuis lors jour de joie pour la foi et l’amour de l’Église ! Dans les temps anciens, les chrétiens, partout dans le monde, commençaient ce jour par une salutation matinale. Chaque homme disait à son voisin : « Le Christ est ressuscité », et son voisin lui répondait : « Le Christ est vraiment ressuscité et il est apparu à Simon. » Oui, même pour Simon, le disciple lâche qui le renia trois fois, le Christ est ressuscité ; même pour nous qui, voilà longtemps, avons fait vœu de lui obéir et qui l’avons pourtant si souvent renié devant les hommes, et avons si souvent pris part au péché, avons suivi le monde quand le Christ nous appelait sur un autre chemin. « Le Christ est vraiment ressuscité, et il est apparu à Simon ! » À Simon Pierre, l’apôtre favori sur qui est bâtie l’Eglise, le Christ est apparu. Il est apparu à son Église sainte, avant tout, et, dans l’Église, il répartit des bénédictions telles que le monde n’en connaît pas. Bienheureux sont-ils s’ils ont reconnu leur bénédiction, ceux qui ont pu, comme nous le pouvons, semaine après semaine, et fête après fête, chercher et trouver dans cette Église sainte le Sauveur de leurs âmes ! Bénis sont-ils au-delà de tout langage et de toute pensée, ceux à qui il est accordé de recevoir ces témoignages de son amour qu’un homme ne saurait obtenir autrement, les gages et moyens de sa présence particulière dans le sacrement de son Repas ; ceux qui peuvent manger et boire la nourriture d’immortalité, et recevoir la vie du côté sanglant du Fils de Dieu ! Hélas ! Par quelle étrange froideur de cœur ou quelle étrange superstition perverse quelque homme appelé chrétien se tient-il loin du sacrement céleste? N’est-il pas bien triste qu’il puisse se trouver quelqu’un pour avoir peur de partager la plus grande bénédiction concevable qui puisse échoir aux hommes pécheurs ? En vérité, qu’est cette peur sinon le manque de foi, une obstination d’esclave épris du péché, puisqu’elle conduit un homme à cheminer, année après année, sans le soutien spirituel que Dieu a préparé pour lui ? N’est-il pas stupéfiant qu’il puisse, au fil du temps, apprendre délibérément à douter de la grâce qui lui est donnée là ? Qu’il puisse ne plus voir dans le Repas du Seigneur une fête céleste, ni dans le ministre du Seigneur qui le consacre un instrument choisi, ni reconnaître que l’Église sainte dans laquelle il accomplit son service comme un commandement divin, doit être aimée en tant qu’elle est le legs d’adieu du Christ à un monde pécheur ? N’est-il pas stupéfiant que, voyant, il ne voie pas, qu’entendant, il n’entende pas, et que, regardant avec légèreté tous les dons du Christ, il ne ressente aucune vénération pour le reliquaire dans lequel ils sont gardés ?
Bienheureux John Henry Newman, extrait du sermon: Le Christ, esprit vivifiant, PPS II, 13.