Signe important de la Providence : le préfet attribué à notre salle d’études (il n’y avait pas de bureaux individuels) était un théologien juste rentré de captivité en Angleterre : Alfred Läpple, qui devait par la suite enseigner la pédagogie religieuse à Salzbourg et devenir un auteur célèbre, parmi les plus féconds de notre époque. Déjà avant la guerre, il avait entamé à Munich une thèse de doctorat en théologie auprès du professeur de théologie morale Theodor Steinbüchel sur la notion de conscience chez le cardinal Newman ; il devint un grand inspirateur par l’étendue de ses connaissances en histoire de la philosophie et son goût de la discussion. (Ma vie. Souvenirs (1927-1977), p. 51-52)
Mais au vrai sens du mot, un homme qui écoute sa conscience et pour qui le bien, une fois reconnu comme tel, prime sur le consensus général, est vraiment pour moi un idéal, et agir comme lui est un devoir. Des personnages comme Thomas More, le cardinal Newman et autres grands témoins – par exemple les grands persécutés du régime nazi, comme Dietrich Bonhoeffer – sont pour moi des modèles éminents. (Le Sel de la Terre, p. 67)
Je ne conteste pas qu’il y ait dans ma vie développement et changement, mais je constate qu’il y a développement et changement à l’intérieur d’une identité fondamentale et que, tout en changeant, j’ai essayé de demeurer fidèle à ce qui m’a toujours tenu à coeur. Sur ce point, je suis d’accord avec le cardinal Newman, qui dit que vivre veut dire changer, et il a beaucoup vécu, lui qui était aussi capable de changer. (Le Sel de la Terre, pp. 114-115)
Newman, dans son idée d’évolution a présenté sa propre expérience de conversion, jamais achevée; il nous a offert ainsi l’interprétation non seulement de la doctrine chrétienne, mais aussi de la vie chrétienne. Je crois que le signe caractéristique d’un grand maître dans l’Eglise est qu’il enseigne non pas seulement par ses idées et ses paroles mais aussi par sa vie car en lui pensée et vie se compénètrent et se déterminent mutuellement. Si cela est vrai, Newman appartient en vérité au nombre des grands maîtres de l’Eglise car il touche notre coeur et illumine notre intelligence. (L’Osservatore Romano, n. 32 – 9 août 2005, p. 9; le texte complet « John Henry Newman. Un parmi les grands maîtres de l’Eglise »
Newman choisit la vérité comme concept intermédiaire. J’affirme sans hésitation que la vérité est la pensée centrale de la lutte intellectuelle de Newman. La conscience morale est au centre de ses préoccupations du fait même que la vérité est au centre. Autrement dit, le rôle clef du concept de conscience chez Newman est lié à celui du concept de vérité, rôle central également, et il n’est compréhensible que dans cette optique. La prédominance de l’idée de conscience chez Newman ne signifie pas qu’il représente alors, au XIXe siècle, et en opposition avec la néo-scolastique «objectiviste», pour ainsi dire une philosophie ou une théologie de la subjectivité. Certes, Newman s’intéresse peut-être plus au sujet que ne l’avait fait la théologie catholique depuis saint Augustin. Mais cet intérêt se situe dans la ligne d’Augustin, et non dans celle de la philosophie subjectiviste des temps modernes. Lors de son élévation au cardinalat, Newman a confessé que toute sa vie avait été un combat contre le libéralisme. Nous pourrions ajouter : et contre le subjectivisme chrétien, tel qu’il le rencontra dans le mouvement évangélique de son temps, qui avait été pour lui la première étape d’un chemin de conversion qui dura toute sa vie. (Appelés à la communion. Comprendre l’Eglise aujourd’hui, Conscience et vérité, pp. 148-149)
Pour Newman , la conscience ne veut pas dire que le sujet soit le seul critère décisif en face des prétentions de l’autorité, dans un monde privé de liberté, qui s’accommode de compromis entre les prétentions du sujet et celles de l’ordre social. La conscience traduit bien davantage la présence perceptible et impérieuse de la voix de la vérité dans le sujet lui-même. La conscience dépasse la subjectivité pure et simple en mettant en contact l’intériorité de l’homme et la vérité provenant de Dieu. En 1833, Newman composa en Sicile un vers significatif : « J’aimais choisir mon chemin ; maintenant je prie le Seigneur d’être ma lumière. » La conversion de Newman au catholicisme ne fut ni une affaire de goût personnel, ni une nécessité psychologique subjective. En 1844, il disait encore, au seuil de la conversion: « Personne ne peut avoir une opinion plus défavorable que moi sur l’état actuel des catholiques romains…. » Ce qui lui importait beaucoup plus, c’était d’obéir à la vérité découverte plutôt qu’à son propre goût, quitte à contrarier ses sentiments, ses relations d’amitié ou ses compagnons de route. (Appelés à la communion. Comprendre l’Eglise aujourd’hui, Conscience et vérité, pp. 149-150)