Contre toi seul j’ai péché (2)
1. Mon Dieu, je n’ose offenser aucun supérieur terrestre. J’ai peur, car je sais que je m’attirerai des ennuis – cependant je ne crains pas de t’offenser, toi le Dieu infini. O mon Seigneur, quel sentiment éprouverais-je, que penserais-je de moi, si je devais frapper ici-bas quelque supérieur révéré ? Si je devais frapper violemment quelqu’un d’aussi vénérable qu’un père ou un prêtre ; si je devais les frapper en plein visage ? Je n’ose même pas imaginer un tel acte – et cependant que serait-il à côté du geste qui consisterait à lever la main sur toi ? Or c’est cela le péché. Quoi d’autre ? Pécher, c’est t’outrager de la manière la plus grossière et la plus cruelle qui soit. C’est là, mon âme, en quoi consiste l’iniquité du péché. C’est lever la main contre mon Bienfaiteur infini, contre mon Tout-Puissant Créateur, Conservateur et Juge – contre Celui en qui résident toute majesté, toute gloire, toute beauté, toute sainteté et toute révérence ; contre le seul Dieu unique.
2. O mon Dieu, je suis totalement bouleversé quand je pense à l’état dans lequel je me trouve ! Qu’adviendra-t-il de moi si tu es sévère ? Qu’est-ce que ma vie, ô mon miséricordieux Seigneur, sinon une suite d’offenses, petites ou grandes, contre toi ? Qu’ils me paraissent grands, les péchés que j’ai commis jusqu’ici contre toi et que je ne cesse de commettre jusque dans les plus petites choses ! Mon Dieu, qu’adviendra-t-il de moi ? Quelle sera ma situation désormais si je suis livré à moi-même ! Que puis-je faire sinon m’approcher humblement de celui que j’ai si gravement offensé et outragé, et le supplier de me pardonner la dette que j’ai contractée envers lui ? O mon Seigneur Jésus, qui, par amour pour moi, est descendu du ciel pour me sauver, enseigne-moi, cher Seigneur, mon péché, montre-moi ce qu’il a de détestable, apprends-moi à m’en repentir sincèrement et pardonne-le-moi, dans ta grande miséricorde !
3. Je t’en supplie, ô mon cher Seigneur, viens me reprendre ! Seule ta grâce peut y parvenir. Je ne puis me sauver par moi-même. Je ne puis, seul, regagner le terrain perdu. Je ne puis, sans toi, sans ton secours, me tourner vers toi, te plaire ou même sauver mon âme. J’irai de mal en pis, je m’écarterai de toi entièrement, je m’endurcirai tout à fait dans l’oubli de mes devoirs, si je m’appuie sur mes propres forces. Je ferai de moi mon centre au lieu de toi. J’adorerai quelque idole de ma propre invention au lieu de t’adorer, toi le seul vrai Dieu et mon Créateur, à moins que par ta grâce tu ne m’en empêches. O Seigneur, entends-moi ! J’ai vécu trop longtemps dans cet état de perplexité et d’indécision. Je désire être ton bon serviteur. Je désire ne plus pécher. Exauce cette prière et permets-moi d’être tel que tu me souhaites et tel que je sais que je dois être.
Bienheureux John Henry Newman, Médiations sur la doctrine chrétienne, Ad Solem 2000, IV Le Péché, 61-62